Événement

Quand un évêque peut en cacher un autre…

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Le saviez-vous ? La plate-tombe de l’évêque Bernard de Camiat, décédé en 1337, située au milieu du grand chœur, cache en réalité la dernière demeure de Mgr Jean-Émile Fonteneau, archevêque d’Albi de 1884 à 1899. Mgr Fonteneau meurt à Albi le 23 mars 1899 dans sa 74e année. Ses obsèques sont célébrées cinq jour plus tard, le 28 mars, sous la présidence de Mgr François-Désiré Mathieu, archevêque de Toulouse, en présence de Mgr François-Narcisse Baptifolier, évêque de Mende, de Mgr Émile-Christohe Enard, évêque de Cahors, et de Mgr Jean-Augustin Germain, évêque de Rodez, ainsi que de Dom Romain Blanquet, fondateur de l’abbaye d’En Calcat. Un cortège nourri, au sein duquel figurent pas moins de 300 prêtres, accompagne le cercueil du regretté prélat, depuis son palais archiépiscopal (l’actuel palais de la Berbie) jusqu’à la cathédrale Sainte-Cécile, en empruntant la rue Mariès, puis la rue Augustin-Malroux (alors rue de la Préfecture), les lices Pompidou (alors lices de Rhônel), la place du Vigan, la rue Hippolyte Savary (alors rue du Manège), la place Lapérouse et la rue de Verdusse, enfin la rue et la place Sainte-Cécile. Le corps du défunt a été déposé sur un char de première classe, tout argenté et empanaché, tiré par quatre chevaux caparaçonnés et conduit par des valets de pied. À 9 h 45 la fin du cortège arrive à la cathédrale. S’ensuit la messe de funérailles, à l’issue de laquelle est prononcée l’oraison funèbre par Mgr Joseph Rumeau, évêque d’Angers, depuis la chaire. Viennent ensuite les cinq absoutes prescrites par le cérémonial. La célébration se termine à 12 h 40. Jusqu’au coucher du soleil une foule recueillie vient prier et rendre un dernier hommage au défunt pasteur, dont le cercueil a été laissé exposé. Vers 17 h, le curé-archiprêtre Jean Vilote, ancien curé de Notre-Dame-du-Val-d’Amour de Graulhet, entouré des membres du chapitre cathédral, des vicaires capitulaires, des membres de la famille et d’une assistance encore considérable, procède à l’inhumation. Le cercueil de Mgr Fonteneau, sur lequel est mentionné en latin le nom, le titre, la durée de l’épiscopat, comme celui de son ministère à la tête du diocèse d’Agen (1875-1884) et le jour de son décès, est alors déposé au fond d’un caveau situé au centre du chœur des chanoines, avant que ne soit mise en place la dalle funéraire qui doit le recouvrir. L’évènement est d’importance. Jean-Émile Fonteneau est alors le premier archevêque d’Albi à être enterré dans la cathédrale depuis la Révolution. Ses prédécesseurs décédés au cours de leur épiscopat albigeois avaient tous renoncé à y être inhumés. Mgr Charles Brault (1817-1833) et Mgr François-Marie-Édouard de Gualy (1833-1842) avaient tous deux choisi le cimetière de l’hôpital d’Albi comme lieu de sépulture, tandis que Mgr Jean-Joseph de Jerphanion (1842-1864) avait choisi le sanctuaire de Notre-Dame de la Drêche, Mgr Jean-François-Paul-Félix Lyonnet (1864-1875), l’église Saint-Joseph à Albi et Mgr Étienne-Émile Ramadié, la chapelle du Bon Sauveur.

L’évêque défunt avait fait part de son souhait de reposer dans le chœur historique de la cathédrale et avait obtenu les autorisations nécessaires de la part de l’État. Il faut rappeler qu’il avait été à l’origine d’une transformation de son sanctuaire, restée controversée. Il s’agissait en l’occurrence de l’abaissement du sol de ce sanctuaire de quatre marches, qui s’accompagna de la création d’un nouvel autel, toujours en place de nos jours. À l’occasion de ces travaux, des fouilles permirent de découvrir en 1893 plusieurs tombes, dont celle de Bernard de Camiat, évêque d’Albi de 1334 à 1337. La dalle funéraire et les restes de l’évêque, enterré initialement in medio chori, avaient été déplacés lors de la réfection du dallage du chœur en 1831. Avant ce transfert, la plate-tombe avait été dessinée par Alexandre du Mège. Elle recouvrait en 1893 un caveau funéraire de 2,33 m de long sur 0,73 m de large, bâti en brique, contenant les vestiges d’un cercueil en bois, des fragments de tissus et de souliers de cuir et des ossements presque réduits en poussière. Une reproduction fidèle de ses gravures et inscriptions fut réalisée, selon la technique de l’estampage, par le restaurateur Marc Gaïda, alors chargé de la réfection des peintures italiennes de plusieurs chapelles. À la suite de ces travaux, la dalle fut insérée au centre du sol en marbre noir et blanc du chœur des chanoines. Elle constitue, avec la dalle funéraire de l’évêque Pierre Neveu (1410-1434), installée aujourd’hui au pied du Jugement dernier, un exemple d’un type autrefois très largement répandu dans le Sud-Ouest de la France. Les plus anciens exemples connus remontent au milieu du XIIIe siècle et la pratique s’est maintenue jusqu’à la fin du XVIIe siècle. On peut citer en particulier la dalle funéraire d’Emmanuel-Charles de Crussol d’Uzès à Castelnau-de-Lévis, datant de 1694.

La dalle de Bernard de Camiat, rectangulaire, bien plus longue que large puisque (2,67 m x 1,12 m), est gravée d’une figuration du défunt, placée sous une arcature architecturée. Deux écus encadrent le gable en accolade de l’arcature. Mitré et ganté, l’évêque, les yeux fermés, les bras repliés sur sa poitrine emprisonnant la hampe de sa crosse, les mains jointes, est accompagné d’un lion couché à ses pieds. Sur le pourtour court une inscription en belles majuscules gothiques rondes :

+ ANNO : AB : INCARNATIONE : DNI : NOSTRI : IHV : XPI : M : CCC : XXX : VII : QUARTO KL : MESIS : DECEBRIS : OBIIT : REVEREDVS : PATER : I : XPO : DNS : BERNARDVS : DE : CAMIATO : DIVINA : CLEMETIA : EPS : ALBIESIS : CVIVS : AIA : ET : OMNIVM : DEFVNCTORVM : PER : MIAM : DEI : SINE : FINE : REQVIESCANT : I : PACE : AME

Le recours à une dalle gravée à effigie témoigne de la part de Bernard de Camiat d’un évident souci de simplicité. Une dalle plate coûtait beaucoup moins cher qu’une effigie sculptée ou une dalle en cuivre ou en laiton.

Si personne aujourd’hui ne soupçonne la présence du corps de Mgr Fonteneau, c’est qu’à cet emplacement rien n’évoque le dernier archevêque albigeois du XIXe siècle. Il faut se rendre dans la sixième chapelle méridionale de la cathédrale, la chapelle Saint-Étienne, pour trouver une épitaphe le concernant. Sur le mur de fond est accroché un lourd élément lapidaire qui pallie cette absence. La longue inscription qui y est sculptée en léger relief est la suivante :

+ ILLMO : AC : REVMO : I : XPO : PATRI :

DNO : IOANNI : AEMILIO : FONTENEAV :

PRIMV : AGINNEN : EPO : INDE : PER : AN

NOS : QVINDECIM : ARCHIEPO : ALBIEN :

DIE : X : KL : APRILIS : A : D : M : DCCC : IC : AE

TATIS : LXXIV : DEFVNCTO : CVIVS : CINERES :

VNA : CV : RELQVIIS : RITE : SERVATIS : BERNARDI : DE : CA

MIATO : EPI : MEDIO HVI : ECCLESIAE : CHORO : EODE :

SEPVLCHRO : CODITI : SVT : HOC : PIETATIS : MONV

MTV : SACERDOTES : ET : AMICI : POSVERE : + AIA

EIVS : ET : OIV : FIDELIV : DEFVCTORV : PER : MIAM :

DEI : SINE : FINE : REQVIESCAT : I : PACE : AME : +

L’inscription s’accompagne d’une représentation des armoiries du prélat, sans ses couleurs, sommées de la couronne comtale et de la croix archiépiscopale et accompagnées d’un phylactère sur lequel figure sa devise : SICUT SERVUS AD FONTES AQUARUM. Les armes de Jean-Émile Fonteneau se lisent ainsi : Écartelé, au 1er, à deux clefs passées en sautoir de gueules, l’une d’or, l’autre d’argent ; au 2e, d’or au Sacré-Cœur de gueules , enflammé du même, entouré d’une couronne d’épines de sinople surmontée d’une croix de sable ; au 3e, d’or, au cerf élancé et contourné de sable ; au 4e, de sinople, à l’ancre d’argent, à la croix d’argent brochant sur l’écartelé.

C’est en 1918 que fut creusé dans cette chapelle l’actuel caveau des archevêques, à l’intérieur duquel reposent sept prélats : six archevêques et un évêque auxiliaire, Mgr Émile Barthes (1932-1939). Le premier archevêque à y avoir été inhumé est Mgr Eudoxe-Irénée-Édouard Mignot, successeur immédiat de Mgr Fonteneau.



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